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Lutte contre la fraude fiscale et douanière aux finances publiques : le Gouvernement publie sa feuille de route !

Affaires - Fiscalité des entreprises
Civil - Fiscalité des particuliers
22/06/2023
Le 1er juin 2023, le Gouvernement a présenté, dans un dossier de presse, les lignes directrices des cinq prochaines années de la lutte contre la fraude aux finances publiques qu’elle soit fiscale, douanière ou sociale. Focus sur les mesures fiscales et douanières envisagées.
Pour mémoire, Gabriel Attal, ministre de Comptes publics, avait annoncé, dans un communiqué de presse du 9 mai 2023, une série de mesures de lutte contre la fraude fiscale et douanière, premier volet de la feuille de route gouvernementale de lutte contre toutes les fraudes aux finances publiques (voir Lutte contre la fraude fiscale et douanière : les mesures annoncées par le Gouvernement, Actualités du droit, 16 mai 2023).

Ces mesures sont à présent détaillées par le Gouvernement dans son dossier de presse présenté le 1er juin 2023.

Elles s’articulent autour de 5 axes principaux.


AXE 1 - S’ADAPTER AUX ENJEUX NUMÉRIQUES

Adapter les outils numériques de détection

  • Exploiter pleinement la facturation électronique pour lutter contre les fraudes fiscales (mesure 1)
L’objectif est de moderniser la collecte et le contrôle de la TVA notamment par le développement de la facturation électronique. Elle devrait notamment permettre à l’administration de s’assurer, sans décalage de temps, de la conformité des déclarations émanant des entreprises avec les factures émises, et faciliter les contrôles fiscaux des entreprises pour tous les impôts professionnels.

Par ailleurs, l’ouverture d’un droit de communication de Tracfin auprès des plateformes de facturation électronique devrait compléter le dispositif.
L’objectif est d’atteindre, d’ici 2027-2028, 3 milliards d’euros de recettes de TVA nette supplémentaires.
  • Améliorer la capacité des services à contrer le recours aux actifs numériques dans la fraude et son blanchiment (mesure 2)
Le Gouvernement estime aujourd’hui essentiel de doter les services d’enquêtes de Tracfin, de la DGFiP et de la DGDDI, dont la DNRED et le SEJF, de moyens technologiques performants permettant la levée de l’anonymat des détenteurs de crypto-actifs impliqués dans des opérations de fraude ou de blanchiment.
Un groupe de travail devrait être mis en place au sein du ministère des Comptes publics et un plan de formation aux technologies de la blockchain des agents aux actifs numériques devrait être engagé d’ici 2025.  

Améliorer le traitement des fraudes commises en ligne

  • Responsabiliser les plateformes du e-commerce (mesure 6)
L’idée est de créer une collaboration entre l’État et les plateformes de e-commerce afin d’empêcher la circulation de marchandises illicites ou dangereuses. À cet effet, le Gouvernement indique que des protocoles de coopération entre les plateformes et l’administration douanière vont être mis en place.
La liste des protocoles conclus sera publiée en ligne.

Les plateformes signataires s’engageront à :
  • coopérer avec les douanes sur les données des transactions internationales qu’elles intermédient ;
  • ne pas mettre en vente et traquer les ventes de produits interdits (tabacs, stupéfiants, contrefaçons, espèces protégées) et signaler à l'administration toute suspicion de vente de tels produits ;
  • veiller à la conformité des produits qu'elles mettent en vente ou dont elles intermédient la vente, au regard des normes techniques, sanitaires, environnementales, et signaler à l'administration toute suspicion.
Les administrations douanière et fiscale se verront également confié des pouvoirs d’injonction qui leur permettront, notamment, déréférencer des sites internet qui fraudent la TVA ou de retirer une annonce relative à un produit en infraction.  
  • Déployer les contrôles douaniers dans les zones grises du e-commerce (mesure 7)
Le Gouvernement annonce qu’une cartographie des entrepôts de stockage des marchandises sera établie par la douane pour guider les contrôles des flux du e-commerce.
  • Assujettir l’activité du dropshipping à la TVA en France (mesure 8)
Selon le Gouvernement, le dropshipping contribue à brouiller la frontière entre le particulier et le professionnel et peut également se prêter à des schémas d’évitement de la TVA à l’importation et aux droits de douane (le dropshippeur déclarant à l’importation le prix payé au fournisseur et non pas celui payé par le client final).

Afin de lutter contre ces contournements, la mesure consiste à :
  • modifier les règles de la TVA à l’importation afin de localiser en France la prestation d’intermédiation du dropshippeur. Le bénéficiaire de la transaction ayant effectivement servi à établir la valeur en douane sera désigné comme redevable de la TVA à l’importation. En outre, l’identité du dropshipper devra être déclarée en douane ;
  • organiser les échanges de données pertinents entre la douane et la DGFiP.


AXE 2 – SANCTIONNER PLUS JUSTEMENT ET PLUS FORTEMENT

Créer un dispositif interministériel de lutte contre les fraudes aux aides publiques

  • Créer un dispositif interministériel de veille et d’analyse des risques de fraude aux aides publiques (mesure 10)
Selon le Gouvernement, cette mesure consiste à identifier et expertiser le plus en amont possible les risques potentiels de fraude liés à la mise en place de dispositifs d’aides publiques, afin de mieux les prévenir, les détecter et d’organiser une riposte institutionnelle concertée.
  • Mettre en place une base interministérielle de RIB frauduleux (mesure 11)
L’idée est de créer une base unique des RIB frauduleux au sein de la sphère sociale et à l’interconnecter avec les RIB identifiés par l’administration fiscale. À terme, l’objectif est d’ouvrir cette base à l’ensemble des organismes verseurs d’aides et à l’enrichir des données collectées avec le secteur bancaire.
  • Expérimenter la suspension provisoire, à la demande de Tracfin, du versement des aides publiques en cas de suspicion de fraude organisée (mesure 12)
Tracfin sera autorisé à solliciter la suspension de la procédure d’octroi ou de versement d’une aide à destination d’une personne physique ou morale pour une durée de 30 jours à compter du jour d’émission de la notification de la demande de suspension à l’organisme gérant l’aide publique visée.
  • Créer un dispositif de sanction administrative ad hoc permettant une action rapide et dissuasive en cas de fraude aux aides publiques (mesure 13)
Afin de garantir une action rapide et dissuasive en cas de fraude aux aides publiques, le Gouvernement propose de créer une sanction administrative ad hoc, applicable dans toutes les situations où un dispositif de sanction administrative n’est pas déjà en place, lorsque le bénéficiaire d’une aide publique attribuée par une administration l’a indûment obtenue en communiquant des informations inexactes ou incomplètes. La somme à restituer sera assortie d’une majoration de 40 % en cas de manquement délibéré et 80 % en cas de manœuvres frauduleuses.
 

Lutter contre les sociétés éphémères ou qui organisent leur insolvabilité sans acquitter leurs dettes sociales et fiscales

  • Lutter contre l’utilisation de la transmission universelle de patrimoine dans les schémas de fraude (mesure 14)
Le dispositif de transmission universelle de patrimoine est parfois détourné par des sociétés afin d’échapper aux contrôles fiscaux de la DGFiP et sociaux des URSSAF et d’organiser leur insolvabilité. Selon le Gouvernement, il apparaît par conséquent nécessaire de mieux encadrer dans la loi ce dispositif afin d’en empêcher son détournement. Il prévoit ainsi de :
  • porter le délai d’opposition pour les créanciers publics à 60 jours ;
  • rendre obligatoire la publication au BODACC afin d’assurer l’information des services de l’État.
 
  • Imposer la production d’une attestation fiscale et sociale lors de la procédure de liquidation amiable (mesure 15)
Le Gouvernement souhaite conditionner, dans la loi, le recours à la procédure de liquidation amiable à une attestation fiscale et sociale. Il s’agit de compléter la liste des justificatifs obligatoires à fournir lorsque le dirigeant effectue ses formalités de cessation d’activité, comme condition à la liquidation de la société.


Renforcer les dispositifs de sanction en matière de fraude fiscale

  • Pénaliser la mise à disposition de montages et procédés frauduleux (mesure 19)
La mesure consiste à créer un délit spécifique permettant, indépendamment de tout contrôle fiscal, de sanctionner la commercialisation manifeste, notamment sur internet et les réseaux sociaux, de schémas de fraude fiscale ou d'outils juridiques et financiers destinés à dissimuler des revenus ou patrimoine, sans qu’il soit nécessaire de démontrer que cette action de promotion ait été suivie d’effet.

Le Gouvernement précise qu’il s’agira d’un délit autonome de celui de la fraude fiscale ou de sa complicité. L’autorité judiciaire sera compétente pour poursuivre sur sa seule initiative, à la suite d’un signalement ou d’une plainte de la DGFiP (sans autorisation préalable de la Commission des infractions fiscales).
  • Garantir une réponse pénale exemplaire en cas de fraude fiscale délictuelle (mesure 21)
Le Gouvernement souhaite donner à l’autorité judiciaire des outils dissuasifs et à la hauteur de l’exemplarité attendue de la sanction pénale. Pour ce faire, l’autorité judiciaire pourra :
  • prononcer des peines de travail d’intérêt général (TIG) à l’encontre des personnes reconnues coupables de fraude fiscale, ou de fraude fiscale aggravée, dans des situations où seules des sanctions pécuniaires sont aujourd’hui prononcées. Juridiquement possibles aujourd’hui, ces orientations seront déclinées par une circulaire de politique pénale, en cohérence avec les orientations de la loi de programmation pour la Justice, et facilitées par la mise à disposition par la DGFiP, en lien avec l’Agence du TIG (ATIGIP), d’une offre de TIG dans les trésoreries-amendes pour accueillir des personnes coupables de fraude fiscale ;
  • priver temporairement du bénéfice de certaines réductions d’impôt et crédits d’impôt les personnes qui ont commis des fraudes fiscales graves. Cette mesure sera intégrée dans le PLF 2024.


AXE 3 – MIEUX LUTTER CONTRE LES FRAUDES À L’INTERNATIONAL  

Lutter contre la fraude à la résidence sociale et fiscale

  • Accéder au fichier « Passenger Names Record » (PNR) sur les données de voyage pour mieux repérer la fraude à la résidence sociale et fiscale (mesure 22)
L’application « Passenger Names Record » (PNR) regroupe les données de voyage, à savoir les données de réservation, d’enregistrement et d’embarquement des personnes présentes à bord, des transports aériens. À terme, les données maritimes et terrestres au départ ou à destination de la France y seront également intégrées.

Cette mesure consiste à permettre à certains agents des organismes de protection sociale et de la DGFiP, spécialement désignés et habilités, d’interroger l’Agence nationale des données de voyage (ANDV) sur des dossiers individuels. L’accès à certaines informations de l’application PNR permettra en outre de renforcer la capacité d’action des caisses de sécurité sociale et de la DGFiP dans la détection de ces fraudes et de mettre à mal certains stratagèmes pour dissimuler une absence de résidence sociale ou fiscale en France.


Renforcer la position de l'administration fiscale vis-à-vis des multinationales en matière de contrôle des prix de transfert

  • Responsabiliser les entreprises dans la documentation de leur politique de prix de transfert (mesure 24)
Cette mesure consiste à :
  • abaisser le seuil de l’obligation de présenter une documentation de la politique de prix de transfert. Le gouvernement précise à cet égard que ce nouveau seuil pourrait être fixé à 150 millions d’euros de chiffre d’affaires ;
  • rendre opposable aux entreprises la documentation dans laquelle elles présentent leur propre politique de prix de transfert. Elles devront ainsi se justifier en cas de non-application de leur propre politique, et démontrer du respect des règles en matière de prix de transfert ;
  • renforcer les sanctions en cas de défaut de réponse, ou de réponse partielle à la demande de l’administration fiscale que lui soit communiquée la documentation relative à la politique de prix de transfert de l’entreprise, en fixant un montant plancher plus élevé que celui de 10 000 euros actuellement en vigueur.
 
  • Étendre la durée de prescription en cas de cession des actifs incorporels les plus difficilement valorisables (mesure 25)
Le Gouvernement prévoit d’étendre le délai de reprise de l’administration pour rehausser le résultat d’une entreprise au-delà de la prescription de droit commun pour les transferts d’actifs incorporels difficiles à évaluer.


S’armer de nouveaux outils contre la fraude et l’évasion fiscale internationales

  • Utiliser le renseignement pour détecter la fraude fiscale grave, notamment internationale, et identifier les intermédiaires qui l’organisent (mesure 26)
Dans une optique de mutualisation du renseignement, cette nouvelle mission de renseignement fiscal sera créée au sein de la direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières (DNRED). Ses priorités seront définies en s’appuyant sur la task force ministérielle qui réunit la DGFIP, la DGDDI et TRACFIN au sein du ministère de l’Économie, des Finances et de la Souveraineté Industrielle et Numérique (MEFSIN) et un plan d’investissement massif de 100 M€ dans la fonction renseignement du MEFSIN devrait notamment permettre sa mise en place.
  • Adopter une stratégie nationale en matière d'échanges internationaux pour promouvoir la lutte contre l'opacité de détention patrimoniale au plan international (mesure 27)
Le Gouvernement souhaite impulser une nouvelle dynamique d’échange d’informations, améliorer sensiblement la qualité de ces échanges et faire en sorte que les États disposent, à terme, d’une vision fiable des patrimoines détenus par leurs résidents.
Pour ce faire, il prévoit de mener une initiative internationale en faveur de la transparence fiscale, en définissant une stratégie nationale d’influence vis-à-vis des partenaires internationaux et en initiant des travaux internationaux, notamment dans le cadre du forum of tax administrations (FTA) de l’OCDE.


AXE 4 – AGIR PLUS COLLECTIVEMENT POUR ÊTRE PLUS EFFICACES 

Renforcer la capacité de judiciarisation des fraudes aux finances publiques

  • Transformer le Service d’enquêtes judiciaires des Finances en Office National Anti-Fraude aux finances publiques (ONAF) avec des compétences étendues (mesure 28)
La mesure consiste à faire du Service d’Enquêtes Judicaires des Finances (SEJF) l’acteur de référence pour la poursuite devant la Justice pénale des auteurs de fraudes aux finances publiques. Pour cela, le Gouvernement souhaite notamment :
  • le transformer en Office National Anti-Fraude aux finances publiques (ONAF) ;
  • étendre de son champ de compétences à toutes les infractions portant atteinte aux finances publiques et au blanchiment de ces infractions ;
  • doubler, d’ici 2025, le nombre d’officiers fiscaux judiciaires et créer un statut d’agent d’enquête judiciaire ;
  • lui donner la possibilité de se saisir d’office d’une enquête dans toutes ses matières d’attribution autres que la matière douanière ou fiscale.


Approfondir les coopérations institutionnelles en matière de lutte contre la fraude

  • Améliorer le partage d’informations entre services de lutte contre les fraudes (mesure 29)
La mesure consiste à ouvrir des passerelles entre les administrations en améliorant les échanges d’informations en matière de fraude documentaire entre les organismes de protection sociale (OPS), la DGFiP, la douane et les services du ministère de l’Intérieur et en favorisant progressivement les accès croisés aux bases de données des partenaires.
À ce titre, d’ici 2025, l’accès à la déclaration sociale nominative (DSN) devrait être progressivement ouverte aux services d’enquête de la police, de la gendarmerie, de l’inspection du travail et de la DGFiP d’ici 2025 et l’accès à l’application DOCVERIF du ministère de l’intérieur devrait être ouvert à l’ensemble des administrations du MEFSIN et aux OPS. Également, les informations du Fichier National des Interdits de Gérer (FNIG), détenu par le ministère de la justice devraient être ouvertes aux agents de la DGFiP et des OPS en 2023 et 2024.
  • Repenser la coopération opérationnelle entre la DGFiP, la DGDDI et les URSSAF dans de nouveaux partenariats d’ici 2024 (mesure 30)
Le Gouvernement souhaite permettre une coordination des actions de contrôle notamment dans des enquêtes de grande envergure, en partageant :
  • en amont, les informations utiles, afin de renforcer la programmation des contrôles de chaque sphère ;
  • en aval, les résultats de ces contrôles, de coordonner la programmation des contrôles sur des opérateurs à risque et d’organiser les conditions d’une modélisation partagée des phénomènes de fraude et du risque de fraude qui viendra irriguer les travaux que chaque service réalise sur sa donnée.


AXE 5 – APPROFONDIR LA RELATION DE CONFIANCE POUR LES USAGERS DE BONNE FOI

Placer la relation de confiance au cœur des relations avec les entreprises

  • Renforcer l’accompagnement des entreprises en matière fiscale (mesure 33)
Le Gouvernement souhaite développer la culture de l’accompagnement des entreprises par la DGFiP en nouant, d’ici 2027, 160 partenariats supplémentaires avec les grands groupes et en intégrant 8 500 PME supplémentaires dans l’accompagnement fiscal. Il précise que cet accompagnement des PME devrait être en partie assuré par les services départementaux de la DGFiP sous un format rénové.


Inciter à la régularisation fiscale et sociale

  • Régulariser équitablement les erreurs commises en matière fiscale (mesure 34)
Le Gouvernement souhaite renforcer l’envoi aux contribuables de courriers invitant à la régularisation de leur situation fiscale lorsque les données à la disposition de la DGFiP, notamment grâce au datamining réalisé par celle-ci, font apparaître des anomalies sur des enjeux financiers restant limités.Il annonce par ailleurs que le nombre de pôles nationaux de contrôle à distance des particuliers sera porté à 5 en 2023 (soit 200 ETP) et qu’ici fin 2024, environ 30 000 dossiers de personnes physiques devraient pouvoir être traités par ces pôles nationaux.

Le Gouvernement souhaite également que des intérêts moratoires soient systématiquement appliqués à chaque fois qu’une erreur commise par l’administration est corrigée en faveur du contribuable, même sans réclamation, et que, en cas d’erreur d’un contribuable de bonne foi, la remise gracieuse des pénalités soit automatique la première fois qu’il commet une erreur.
Source : Actualités du droit