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La semaine du droit commercial

Affaires - Commercial
21/09/2020
Présentation des dispositifs des arrêts publiés au Bulletin civil de la Cour de cassation, en droit commercial, la semaine du 14 septembre 2020.
Bail commercial – mise en demeure – expulsion – formalités
« Selon l’arrêt attaqué (Versailles, 20 novembre 2018), par lettre du 28 juillet 2014, la société Alterea Cogedim Assets Management Entreprise, gérant de la société Acep Invest 2 CDG Neuilly, bailleresse, aux droits de laquelle se trouve la société Kosmo, a adressé à la société Sedad, titulaire d’un bail dérogatoire, une mise en demeure de libérer les lieux loués.
Après avoir sommé la société Sedad de quitter les lieux, la société Acep Invest 2 CDG Neuilly l’a assignée en référé en expulsion et en paiement de loyers.
La société Sedad a assigné au fond la société Acep Invest 2 CDG Neuilly en substitution d’un bail commercial au bail dérogatoire et en irrégularité de l’expulsion intervenue le 15 juin 2015.
 
La société Sedad fait grief à l’arrêt de rejeter ses demandes, alors :
« 1°/ qu’aux termes de l’article R. 123-237 du Code de commerce, toute personne immatriculée est tenue, à peine de contravention de la 4e classe, d’indiquer certaines mentions sur ses factures, notes de commande, tarifs et documents publicitaires ainsi que sur toutes correspondances et tous récépissés concernant son activité et signés par elle ou en son nom ; que de même, en application de l’article R. 123-238 du même Code, les actes et documents émanant de la société et destinés aux tiers, notamment les lettres, factures, annonces et publications diverses, indiquent la dénomination sociale, précédée ou suivie immédiatement et lisiblement de la forme sociale et du capital social ; qu’en affirmant que ces exigences ne s’appliquaient pas à une lettre de mise en demeure, la cour d’appel a violé les articles R. 123-237 et R. 123-238 du Code de commerce ;
2°/ qu’on ne peut déroger aux lois qui intéressent l’ordre public ; que toute violation à des dispositions d’ordre public est susceptible d’entraîner la nullité de l’acte passé en contravention à ces dispositions, sans que cette sanction ait à être spécialement prévue par les textes ; qu’il en va notamment ainsi lorsque l’acte litigieux a concouru à la commission d’une infraction pénale ; qu’en affirmant qu’il n’y avait pas lieu de sanctionner de nullité le congé ne comportant pas les mentions exigées par les articles R. 123-237 et R. 123-238 du Code de commerce au motif que la seule sanction expressément prévue par ces textes d’ordre public était une sanction pénale, les juges ont violé l’article 6 du Code civil et les articles R. 123-237 et R. 123-238 du Code de commerce ».

Le non-respect des formalités édictées par les articles R. 123-237 et R. 123-238 du Code de commerce, bien que constitutif d’une infraction pénale, n’emportant pas nécessairement la nullité de l’acte, la cour d’appel, abstraction faite d’un motif erroné mais surabondant, a retenu à bon droit, par motifs propres et adoptés, que l’absence de mentions prescrites sur la lettre de mise en demeure du 28 juillet 2014 n’en affectait pas la validité dès lors que la société locataire avait identifié que la lettre lui avait été adressée par la société bailleresse ou son gérant ».
Cass. 3e civ., 17 sept. 2020, n° 19-13.242, P+B+I *

 
Bail commercial – requalification – prescription biennale – statut de conjoint collaborateur
« Selon l’arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 25 avril 2019), par deux actes intitulés « bail saisonnier » des 26 janvier 2012 et 28 janvier 2013, Mme X... a donné à bail à Mme W... un même local respectivement pour des durées d’une année et de onze mois, pour se terminer les 25 janvier 2013 et 26 décembre 2013.
Le 20 décembre 2013, les parties ont conclu un bail dit « précaire » portant sur le même local pour une durée de vingt-trois mois à compter du 27 décembre 2013.
Par deux lettres recommandées avec demande d’avis de réception des 27 et 30 octobre 2015, avant l’expiration du bail dérogatoire, Mme X... a rappelé à Mme W... que le bail arrivait à terme et qu’elle devait impérativement libérer les locaux.
Le 16 décembre 2015, Mme W... a assigné Mme X... afin notamment de voir juger que le statut des baux commerciaux était applicable aux baux conclus depuis le 26 janvier 2012 et qu’elle était titulaire d’un bail de neuf ans soumis au statut des baux commerciaux à compter du 27 novembre 2015.
M. W..., conjoint collaborateur de Mme W..., est intervenu volontairement à l’instance.
 
Vu les articles 329 du Code de procédure civile, 1401 du Code civil et L. 121-6, alinéa 1er, du Code de commerce :
Selon le premier de ces textes, l’intervention principale n’est recevable que si son auteur a le droit d’agir relativement à la prétention qu’il élève.
Aux termes du deuxième, la communauté se compose activement des acquêts faits par les époux ensemble ou séparément durant le mariage et provenant tant de leur industrie personnelle que des économies faites sur les fruits et revenus de leurs biens propres. Il en résulte que le fait qu’un fonds de commerce constitue un acquêt de communauté est sans incidence sur la titularité du bail commercial qui n’a été consenti qu’à un seul des époux.
Selon le troisième, le conjoint collaborateur, lorsqu’il est mentionné au registre du commerce et des sociétés, est réputé avoir reçu du chef d’entreprise le mandat d’accomplir au nom de ce dernier les actes d’administration concernant les besoins de l’entreprise.
Pour déclarer recevable l’intervention volontaire de M. W..., l’arrêt relève que M. et Mme W... se sont mariés le 22 juin 2009 sous le régime légal de la communauté réduite aux acquêts et retient que le fonds de commerce est commun aux deux époux, à défaut de prouver que sa création est antérieure à la célébration du mariage, de sorte que M. W..., conjoint collaborateur de son épouse, a qualité pour agir.
En statuant ainsi, après avoir constaté que Mme W... était seule titulaire du bail des locaux dans lequel était exploité le fonds de commerce, peu important le statut de conjoint collaborateur de M. W..., la cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les textes susvisés.
 
Vu les articles L. 145-5 et L. 145-60 du Code de commerce, dans leur rédaction antérieure à celle issue de la loi du 18 juin 2014 :
Il résulte de ces textes que l’action en requalification d’un bail saisonnier en bail commercial est soumise à la prescription biennale.
Pour accueillir la demande de Mme W..., l’arrêt retient que les baux conclus le 26 janvier 2012 et le 28 janvier 2013 n’étaient pas des baux saisonniers, mais des baux dérogatoires, de sorte que les preneurs, qui s’étaient maintenus plus de deux ans dans les lieux, étaient titulaires d’un bail soumis au statut des baux commerciaux à compter du 27 décembre 2013.
En statuant ainsi, après avoir constaté que l’action en requalification des baux saisonniers en baux commerciaux était prescrite pour avoir été engagée le 16 décembre 2015, la cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les textes susvisés ».
Cass. 3e civ., 17 sept. 2020, n° 19-18.435, P+B+I *
 
 
Bail commercial – résiliation – créance
« Selon l’arrêt attaqué (Paris, 5 décembre 2018), à la suite de la résiliation d’un bail commercial stipulant que le preneur remboursera au bailleur un certain nombre de dépenses annuelles, la société Oursel, bailleresse, a assigné M. X..., en sa qualité de garant solidaire du cessionnaire pour l’exécution de toutes les conditions du bail, en condamnation à lui payer diverses sommes au titre d’un arriéré locatif.
M. X..., qui a soutenu que la créance en remboursement de dépenses au titre de charges et impôts n’était pas établie, a demandé la restitution des provisions appelées à ce titre.
 
Il incombe au bailleur qui réclame au preneur de lui rembourser, conformément au contrat de bail commercial le prévoyant, un ensemble de dépenses et de taxes, d’établir sa créance en démontrant l’existence et le montant de ces charges.
La cour d’appel a relevé que la SCI Oursel, bailleresse, avait appelé des provisions pour charges et pour taxes foncières.
Elle a, sans inverser la charge de la preuve ni méconnaître son office, exactement retenu que la bailleresse devait pour conserver, en les affectant à sa créance de remboursement, les sommes versées au titre des provisions, justifier le montant des dépenses et que, faute d’y satisfaire, elle devait restituer au preneur les sommes versées au titre des provisions ».
Cass. 3e civ., 17 sept. 2020, n° 19-14.168, P+B+I *
 


*Le lien vers la référence documentaire sera actif à partir du 21 octobre 2020.
 
Source : Actualités du droit