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La gestion de l’App Store par Apple dans le viseur de l’autorité de concurrence britannique

Affaires - Droit économique
23/03/2021
L’autorité de concurrence britannique, la Competition and Markets Authority, a ouvert, le 3 mars dernier, une enquête portant sur la distribution des applications sur les appareils iOS et iPadOS au Royaume-Uni et, en particulier, sur les conditions régissant l’accès des développeurs d’applications à l’App Store. Cette enquête confirme l’attention grandissante portée, par les autorités de régulation, aux pratiques des grandes sociétés du numérique.
Rédigé sous la direction de Claudie Boiteau, en partenariat avec le Master Droit et régulation des marchés de l’Université Paris-Dauphine


L’App Store exploité par Apple est le seul moyen pour les développeurs de distribuer des applications tierces sur les iPhone et iPad d'Apple, et le seul moyen pour les clients d’Apple d'y accéder. Toutes les applications qui y sont disponibles doivent être approuvées ex ante par Apple, cette approbation reposant sur l'acceptation par les développeurs de certaines conditions. 
 
L'enquête de la Competition and Markets Authority (CMA) recherchera si Apple occupe une position dominante en ce qui concerne la distribution d'applications sur les appareils Apple au Royaume-Uni et, le cas échéant, si des conditions déloyales ou anticoncurrentielles sont imposées aux développeurs utilisant l'App Store. Si ces pratiques sont démontrées, cela aboutirait finalement à ce que les utilisateurs aient moins de choix ou paient des prix plus élevés pour les applications et les modules complémentaires.
 
Plusieurs développeurs ont en effet dénoncé à la CMA l’application de conditions générales déloyales et contraires au droit de la concurrence de la part d’Apple. Ainsi, les développeurs ne peuvent distribuer leurs applications sur iPhone et iPad que via l'App Store. Il est, de plus, reproché à Apple d’imposer l’utilisation de son système de paiement aux développeurs qui proposent des fonctionnalités, des modules complémentaires ou des mises à niveau « intégrés à l’application ». L'utilisation obligatoire du système d'achat intégré pour la distribution de contenus numériques permet ainsi à Apple de facturer aux développeurs d'applications une commission allant jusqu’à 30 % de la valeur de ces transactions ou à chaque fois qu'un consommateur achète son application.

L’enquête de la CMA se base sur le Competition Act 1998 qui prohibe notamment les pratiques des entreprises qui constituent des abus de position dominante sur un marché et sont susceptibles d'affecter les échanges à l'intérieur du Royaume-Uni. La CMA continue en outre de coordonner son action avec celle de la Commission européenne, ainsi qu'avec d'autres institutions, pour s'attaquer à ces pratiques. Si les articles 101 et 102 TFUE ne sont plus applicables au Royaume-Uni depuis le 1er janvier 2021, ils le demeurent pour les faits antérieurs à cette date. 
 
La régulation des plateformes numériques : un enjeu de taille au cœur des débats internationaux
 
Les pratiques d’Apple suscitent également des craintes concurrentielles au-delà des frontières britanniques. Le Department of Justice des États-Unis et l’Autorité néerlandaise des consommateurs et des marchés enquêtent sur les mêmes motifs que la CMA. Le régulateur néerlandais doit d’ailleurs rendre prochainement sa décision. 
 
Apple se trouve également visée par trois enquêtes ouvertes par la Commission européenne, notamment sur les règles de l’App Store ainsi que sur son système de paiement mobile Apple Pay.
 
En France enfin, l'Autorité de la concurrence a été saisie par des représentants du secteur de la publicité, inquiets des restrictions au ciblage publicitaire intervenant sur le nouveau système d'exploitation pour iPhone d'Apple. L’Autorité a rendu le 17 mars 2021 une décision par laquelle elle a rejeté les demandes de mesures conservatoires, estimant que l’abus de position dominante conduisant à imposer des conditions de transactions inéquitables aux développeurs d’applications n’était pas caractérisé au stade actuel de l’enquête. Elle a toutefois décidé de poursuivre l’instruction au fond afin de s’assurer qu’Apple ne s’est pas appliquée des règles moins contraignantes qu’aux autres développeurs d’applications (Aut. conc., déc. n° 21-D-07, 17 mars 2021).

Les grandes entreprises du numérique se retrouvent de plus en plus souvent confrontées au contrôle des autorités de concurrence, comme en témoigne l’enquête ouverte par la Commission européenne contre Amazon. En outre, le cadre juridique se précise comme le montrent les projets de Digital Services Act et Digital Markets Act de la Commission européenne. Ces deux projets de règlement visent à réguler les plateformes numériques et à doter l’Union européenne d’un nouveau cadre de responsabilité des plateformes.
 
Pour aller plus loin
Pour des développements détaillés sur le contrôle des pratiques anticoncurrentielles, voir Le Lamy Droit économique, nos 644 et suivants.

Par Paul Beugel et Camille Duprié
Source : Actualités du droit