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Souscription d’un emprunt à deux : étendue de l’engagement solidaire exprès

Civil - Contrat
12/10/2021
Le co-emprunteur qui s’engage solidairement dans un contrat de prêt ne peut être condamné à rembourser seul.
Une banque consent à deux concubins deux prêts immobiliers de 111 000 euros et 67 000 euros. Le second contrat stipulait que Mme A. s’engageait solidairement avec M. C. au remboursement des dits prêts. Des échéances étant demeurées impayées, la banque prononce la déchéance du terme des prêts, puis assigne les emprunteurs aux fins d'obtenir leur condamnation solidaire en paiement, lesquels invoquent l'irrégularité de la déchéance du terme et le manquement de la banque à son obligation de mise en garde.
 
Mme A. obtient gain de cause en première instance mais est condamnée par la cour d’appel à verser seule à la banque la somme de 32 460,54 euros au titre du prêt de 67 000 euros, outre les intérêts dus, et, solidairement avec M. C., la somme de 67 908,17 euros au titre du prêt de 110 000 euros, outre les intérêts. Selon les juges du fond, elle ne pouvait se soustraire unilatéralement de son engagement de solidarité, le fait que M. C. soit insolvable ou qu'elle soit un emprunteur non averti étant des circonstances qui n'étaient pas de nature à lever cette solidarité.
 
Elle se pourvoit en cassation, invoquant la violation par la cour d’appel des articles 1202, devenu 1310 et 1147, devenu 1231-1 du Code civil.
 
Sur la solidarité. – La Cour de cassation juge qu’il résulte de l’article 1202 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 que, « lorsque la solidarité est expressément stipulée, l'obligation est solidaire. Après avoir constaté dans ses motifs que Mme A. s'était engagée solidairement avec M. C. au remboursement du prêt de 67 000 euros, l'arrêt la condamne seule au paiement de la somme de 32 460,54 euros. En statuant, ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé ».
 
Sur l’obligation de mise en garde de la banque. – Visant l'article 1147 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, la Cour de cassation rappelle qu’il en « résulte que la banque qui consent un prêt à un emprunteur non averti doit apprécier sa situation au moment de la conclusion du contrat afin d'être en mesure de le mettre en garde ». La cour d’appel avait écarté un manquement de la banque en relevant que les emprunteurs étant propriétaires d'un immeuble valorisé quelques années plus tard à 170 000 euros, le risque d'endettement n'apparaissait pas particulièrement caractérisé. « En statuant ainsi, la cour d'appel a pris en considération des éléments postérieurs à la date de l'octroi des prêts » ; elle a donc violé le texte susvisé.
 
L’arrêt est cassé et annulé en ce qu'il condamne Mme A. à payer à la banque la somme de 32 460,54 euros au titre du prêt de 67 000 euros et en ce qu'il confirme le rejet de la demande de réparation fondée sur un manquement de la banque à son devoir de mise en garde.
 
Pour aller plus loin, voir Le Lamy Droit du contrat, n° 801 et Le Lamy droit des sûretés, n° 165-19.
Source : Actualités du droit