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La créance indemnitaire née pour les besoins de la procédure de liquidation bénéficie d’un traitement préférentiel

Affaires - Commercial
04/04/2022
Dès lors que l’accord conclu entre le liquidateur et le bailleur – renonciation à l’action en résiliation judiciaire du bail commercial moyennant le paiement d’une indemnité au titre des loyers et charges impayés – a permis de faciliter les opérations de réalisation de l’actif de la société débitrice (vente du fonds de commerce), cette créance indemnitaire est née pour les besoins du déroulement de la procédure de liquidation et est payable à l’échéance.
L’article L. 641-13 du code de commerce établit un privilège légal pour les créances nées régulièrement après le jugement qui ouvre ou prononce la liquidation judiciaire ou, dans ce dernier cas, après le jugement d’ouverture de la procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire qui l’a précédée : elles sont payées à leur échéance ou par privilège.
 
Dans le présent arrêt, la Cour de cassation se penche sur l’une de ces créances, consistant en une indemnité transactionnelle.

Paiement à l’échéance de la créance née d’une transaction

En l’espèce, une SARL X… exploitait un fonds de commerce de restauration et débit de boissons dans des locaux contigus en vertu de deux baux commerciaux, dont l’un avait été conclu avec M. A… [aux droits duquel vient la SARL Y…]. Le gérant de la société X…, M. Z…, qui avait effectué plusieurs versements au profit de celle-ci pour un montant total de 50 000 euros, inscrits sur son compte courant, avait ensuite quitté ses fonctions et avait négocié avec cette société une transaction permettant le remboursement de ses comptes courants (soit 50 000 euros) ; la transaction avait reçu force exécutoire par le président du tribunal de grande instance. M. Z… avait ensuite pris un nantissement sur le fonds de commerce exploité par la société pour la somme de 34 200 euros.
 
Mais la société X… avait été mise en redressement puis en  liquidation judiciaires les 17 avril 2013 et 2 juillet 2014. À l'occasion de la procédure d'autorisation de la cession du fonds de commerce, incluant le droit au bail, au profit d'un tiers qui avait donné son accord, la société bailleresse Y…, qui avait assigné le liquidateur en résiliation du bail, avait transigé avec ce dernier pour obtenir le paiement d'une indemnité de 50 000 euros (totalité des loyers et charges impayés) en contrepartie de sa renonciation à la procédure de résiliation judiciaire engagée. Par une ordonnance du 25 septembre 2014, rectifiée le 1er octobre 2014, le juge-commissaire avait autorisé la vente du fonds de commerce et le paiement de l'indemnité de 50 000 euros au profit de la société Y… À la suite de l'homologation de cet accord par un jugement du 19 novembre 2014, l'acte de cession du fonds avait été signé le 23 décembre 2014 et la société X… avait reçu du liquidateur la somme de 50 000 euros.
 
Titulaire d'une créance de remboursement de son compte-courant assortie d'un nantissement sur le fonds de commerce, M. Z… avait contesté le caractère privilégié de la créance indemnitaire de la société Y… et le paiement reçu par cette dernière. Par jugement du 19 septembre 2017, le tribunal de commerce avait déclaré irrecevable son action intentée à l'encontre des organes de la procédure de la liquidation judiciaire de la société X… L’intéressé avait fait appel du jugement.
 
Transaction utile à la réalisation des actifs
 
La cour d’appel a rejeté les demandes de M. Z... : la créance étant née régulièrement après le jugement d’ouverture de la procédure collective et le candidat à l’acquisition du fonds de commerce ayant émis comme préalable la levée de la procédure de résiliation du bail commercial attaché au fonds de commerce, la résolution de cette difficulté était nécessaire à la réalisation de l'actif ; pour les juges du fond, la transaction était donc utile au déroulement de la procédure et elle a permis de vendre le fonds de commerce pour la somme de 120 000 euros. Par conséquent, la société Y… était éligible au traitement préférentiel et avait le droit d'être payée à l'échéance, indépendamment du fait de savoir si elle figurait ou non sur la liste des créanciers postérieurs privilégiés (CA Rennes, 3e ch. com., 22 sept. 2020, n° 17/06733, Lamyline).
 
Contestant le rejet de sa demande tendant à voir juger que la créance de la société Y… ne remplissait pas les conditions de l'article L. 641-13, I, du code de commerce d'un paiement à échéance et à la condamnation de cette société à restituer au liquidateur la somme de 50 000 euros, M. Z… s’est pourvu en cassation.
 
La Haute juridiction rejette le pourvoi. La cour d’appel, ayant retenu que l'accord conclu entre le liquidateur et la société bailleresse Y… avait permis, en conservant le bail moyennant le paiement d'une somme de 50 000 euros à cette société, d'obtenir, au titre des opérations de réalisation des actifs, l'autorisation du juge-commissaire de céder le fonds de commerce au prix de 120 000 euros, a pu en déduire que la créance de 50 000 euros de la société Y…, dont le paiement a été autorisé par le juge-commissaire, était née pour les besoins du déroulement de la procédure de liquidation.
 
Pour aller plus loin
Pour des précisions complémentaires sur les dettes nées au cours de la procédure de liquidation judiciaire, se reporter au no 4583 du Lamy droit commercial.
 
Source : Actualités du droit