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Interdiction de gérer : application de la loi nouvelle moins sévère aux procédures en cours

Affaires - Commercial
Pénal - Droit pénal général
28/05/2018
À l'occasion d'un arrêt rendu le 24 mai 2018, la chambre commerciale de la Cour de cassation précise le champ d’application de la règle de l'application de la loi pénale plus douce lors des procédures collectives en cours.
En l'espèce, le 31 octobre 2013, un tribunal de commerce a, sur déclaration de cessation des paiements, ouvert la liquidation judiciaire d’une société et fixé la date de cessation des paiements au 31 mai 2013. Puis, le 18 mars 2014, le tribunal a, sur assignation de deux salariés, prononcé la liquidation judiciaire d’une autre société, la date de cessation des paiements étant fixée au 27 septembre 2013. Estimant que les liquidations judiciaires de ces deux sociétés, dirigées par la même personne avaient mis en évidence des fautes de gestion de la part de ce dernier, le procureur de la République a saisi le tribunal d’une demande de sanctions, lequel a condamné l’intéressé à une interdiction de gérer pour une durée de trois ans.

La cour d’appel (CA Versailles, 30 mars 2017, n° 16/05824) confirme le jugement. Elle retient notamment que les sanctions pénales, d’une part, et les sanctions pécuniaires et personnelles qui peuvent être prononcées par les juridictions civiles ou commerciales dans le cadre des procédures collectives, d’autre part, sont de nature différente et qu’à défaut de disposition spécifique de la loi du 6 août 2015 rendant la modification de l’article L. 653-8 du Code de commerce, qui sanctionne désormais d’une mesure d’interdiction de gérer celui qui a omis sciemment de demander l’ouverture d’une procédure collective dans le délai de quarante-cinq jours à compter de la cessation des paiements, le nouveau texte n’est applicable qu’aux procédures collectives ouvertes après le 8 août 2015. Tel n’étant pas le cas des procédures collectives en l’espèce, il n’y a pas lieu de rechercher si la cessation des paiements avait été sciemment déclarée tardivement par le dirigeant.

Solution rejetée par la Cour de cassation

Saisie d’un pourvoi, la Cour de cassation énonce que le respect du principe constitutionnel de nécessité des peines, dont découle la règle de l’application immédiate de la loi pénale plus douce, commande que, lorsque le juge civil est amené à prononcer une sanction ayant le caractère d’une punition telle que l’interdiction de gérer prévue par l’article L. 653-8 du Code de commerce, la loi nouvelle moins sévère reçoive application aux procédures collectives en cours. Dès lors, en ce qu’elle exige dorénavant, pour l’application de la sanction de l’interdiction de gérer, que l’omission de la demande d’ouverture d’une procédure collective dans les quarante-cinq jours de la cessation des paiements soit faite sciemment, la loi du 6 août 2015 a modifié, dans un sens moins sévère, les conditions de la sanction, de sorte que cette loi doit être appliquée à une situation antérieure au 8 août 2015.

La cour censure l’arrêt d’appel au visa du principe de nécessité des peines reconnu par l’article 8 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen et l’article L. 653-8, alinéa 3, du Code de commerce dans sa rédaction issue de la loi du 6 août 2015.

Par Vincent Téchené
Source : Actualités du droit