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Vente de biens composés de pierres et métaux précieux : exclusion du régime d’imposition de la marge bénéficiaire

Affaires - Fiscalité des entreprises
25/07/2018
Dans un arrêt rendu le 11 juillet 2018, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) affirme que les ventes de biens usagés composés, notamment, de métaux précieux ou de pierres précieuses, dans le but de les extraire, sont exclues du régime d’imposition de la marge bénéficiaire.
En l’espèce, la société requérante était une entreprise lettonne assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA). Elle accordait des prêts à des particuliers, en échange de gages constitués de métaux précieux et d’ouvrages contenant de l’or et/ou de l’argent. Elle revendait à d’autres commerçants, également assujettis à la TVA, les gages non récupérés. Considérant que ces biens étaient des « biens d’occasion », la société ne payait la TVA que sur la marge bénéficiaire des ouvrages revendus.

L’administration fiscale lettonne, ayant effectué un contrôle de TVA, considérait au contraire que ces biens ne devaient pas être assujettis au régime dérogatoire de la marge bénéficiaire. La Cour suprême lettonne, saisie de l’affaire, demande à la CJUE de déterminer si les biens en question (des biens usagés composés notamment de métaux précieux ou pierres précieuses, revendus principalement dans le but d’extraire ces métaux et pierres) sont considérés comme des biens d’occasion, assujettis à ce titre au régime particulier d’imposition de la marge bénéficiaire.

Textes applicables

La question porte sur l’interprétation de l’article 311, paragraphe 1, point 1, de la directive 2006/112/CE (dite « directive TVA », qui établit le système commun de TVA). Cette disposition, définit les biens d’occasion comme « les biens meubles corporels susceptibles de remploi, en l'état ou après réparation, autres que des objets d'art, de collection ou d'antiquité et autres que des métaux précieux ou des pierres précieuses tels que définis par les États membres ».

En vertu du chapitre 4 de cette directive (articles 311 à 343), la vente de ces biens d’occasion est soumise au régime particulier d'imposition de la marge bénéficiaire réalisée par l'assujetti-revendeur.

Définition des « biens d’occasion »

La cour relève tout d’abord que, selon l’article précité, trois conditions sont nécessaires afin de qualifier un bien de « bien d’occasion ». Celui-ci doit être :
– un bien corporel ;
– susceptible de remploi, en l’état ou après réparation ;
– autre qu’un objet d’art, de collection, d’antiquité, que des métaux précieux ou des pierres précieuses, tels que définis par les États membres.

Sur les deux premières conditions, la jurisprudence de la CJUE avait déjà précisé que « les biens meubles corporels susceptibles de remploi, en l’état ou après réparation, provenant d’un autre bien dans lequel ils étaient incorporés en tant que parties constitutives » entrent effectivement dans la catégorie des biens d’occasion, tant que le bien en question peut être réutilisé (tel quel ou après réparation) pour les mêmes fonctionnalités qu’il possédait à l’état neuf (CJUE, 18 janv. 2017, aff. C-471/15, Sjelle Autogenbrug, points 31 et 32).

Le problème se pose donc sur la troisième condition, à savoir l’exclusion des métaux précieux et pierres précieuses. Sur ce point, la CJUE relève notamment que les biens visés par la directive (eu égard au libellé de l’article, à son contexte et à l’objectif poursuivi) sont seulement les métaux précieux et les pierres précieuses en tant que tels. En effet, aucune mention n’est faite des « objets contenant des métaux précieux ou des pierres précieuses ».

La cour ajoute qu’un objet qui n’a pas de fonctionnalité autre que celle inhérente aux matières qui le composent, ou qui n’est pas capable de remplir une telle fonctionnalité autre, « ne saurait bénéficier du régime particulier de la marge bénéficiaire puisqu’il (...) n’aura d’utilité que pour être transformé en un nouvel objet qui connaîtra un nouveau cycle économique de telle sorte que le risque de double taxation, qui est à l’origine de l’instauration du régime de la marge bénéficiaire, disparaît ».

Exclusion du régime de la marge bénéficiaire

La CJUE déduit de ces considérations que la notion de « biens d’occasion », au sens de l’article 311, paragraphe 1, point 1 de la directive TVA, exclut les biens usagés contenant des métaux précieux ou des pierres précieuses, lorsque ces biens ne sont plus aptes à remplir leur fonction initiale et n’ont conservé que les fonctionnalités inhérentes à ces pierres et métaux. Ils ne bénéficient donc pas du régime de la marge bénéficiaire. La cour rappelle par ailleurs qu’il appartient au juge national de vérifier ces conditions dans chaque cas d’espèce, compte tenu des circonstances objectives pertinentes.
Source : Actualités du droit