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Simplification du droit des sociétés : adoption définitive du texte prévue dans une semaine…

Affaires - Sociétés et groupements
04/07/2019
L'encre de la loi PACTE n'est pas encore sèche que déjà une autre réforme du droit des sociétés est sur le point d'être définitivement adoptée. Sauf surprise, la proposition de loi de simplification, de clarification et d’actualisation du droit des sociétés devrait être votée définitivement le 10 juillet prochain. Le point.
 
Un très long parcours parlementaire. Depuis son dépôt il y a près de cinq ans, ce texte a beaucoup évolué. De nombreuses dispositions qui y étaient initialement ont été reprises, à l’identique ou non, dans divers véhicules législatifs adoptés depuis :
  • la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, dite « Macron » ;
  • la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, dite « Sapin 2 » ;
  • la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises, dite « PACTE » ;
  • les lois de finances annuelles.
 
Après un an sans examen par le Parlement, l’Assemblée nationale avait finalement voté en deuxième lecture, avec modifications, la proposition de loi de simplification, de clarification et d’actualisation du droit des sociétés, le 27 mars 2019 (TA AN n° 250, 2018-2019).
 
Avant l’examen du texte par la commission des lois du Sénat, le 26 juin dernier :
  • 16 articles avaient été adoptés, sans modification, par l’Assemblée nationale en mars 2019 ;
  • qui avait également confirmé la suppression de 26 articles ;
  • et 30 articles restaient en discussion.
 
Ce que prévoit précisément ce texte
Le texte de loi comprend donc en tout 46 articles, répartis en quatre chapitres.
 
Dispositions relatives au fonds de commerce. – Sur ce sujet précis, le contenu est figé.  En pratique, le texte prévoit :
  • la suppression des mentions légales obligatoires à porter sur l’acte de cession d’un fonds de commerce ;
  • la levée de l’obligation d’exploiter un fonds de commerce pendant au moins deux ans avant de le concéder en location-gérance.
Dispositions relatives aux sociétés civiles et commerciales. – L’Assemblée nationale a adopté l’article 6 qui clarifie les droits respectifs du nu-propriétaire et de l’usufruitier en cas de démembrement de parts sociales, avec des modifications, et adopté conforme l’article 9 qui tend à créer une procédure de régularisation de la prorogation d’une société en cas d’omission des formalités obligatoires.
 
En revanche, les députés ont supprimé l’article 8 qui visait à modifier le point de départ du délai d’opposition d’un créancier à la dissolution d’une société dont toutes les parts sont réunies dans une seule main.
 
Côté dispositions relatives aux sociétés civiles, l’Assemblée nationale a adopté conformes les articles 10, relatif à la convocation des associés en cas de vacance du gérant, et 10 bis, qui concerne les formalités de publication de la cession de parts. Elle a modifié l’article 10 bis A, qui tend à créer un régime simplifié de fusion de sociétés civiles, pour tenir compte de l’inexistence de sociétés civiles unipersonnelles.
 
Que contient maintenant le texte en matière de sociétés commerciales ?
  • Sociétés à responsabilité limitée (SARL) : les députés ont accepté la création d’une sanction de nullité facultative des décisions prises irrégulièrement par l’assemblée des associés (article 15). En revanche, ils ont souhaité que les modalités simplifiées de remplacement du gérant d’une SARL placé en tutelle ne s’appliquent pas en cas de placement en curatelle (article 14) ;
  • Sociétés anonymes (SA) : l’Assemblée nationale a adopté, dans une rédaction identique ou proche de celle du Sénat :
    • les dispositions visant à faciliter l’octroi de garanties par une société mère à une filiale la faculté de ne pas réunir le conseil d’administration ou de surveillance pour des décisions de faible importance mais de procéder par consultation écrite de ses membres
    • l’exclusion des abstentions, mais aussi des votes blancs ou nuls et des voix des actionnaires n’ayant pas pris part au vote du décompte des voix exprimées à l’assemblée générale
    • la faculté donnée au conseil d’administration ou de surveillance de déléguer à l’un de ses membres, au directeur général ou à l’un de ses adjoints le soin de répondre aux questions écrites d’actionnaires
    • le remplacement de la nullité impérative des délibérations d’assemblée générale non inscrites à l’ordre du jour par une nullité facultative
    • la suppression de l’obligation triennale de soumettre à l’assemblée générale une augmentation de capital réservée aux salariés
    • la simplification des modalités de mise à jour des clauses statutaires à la suite d’une augmentation de capital
    • la réduction de la durée des « fenêtres négatives » au cours desquelles il est interdit à une société de consentir des « stock options » ou aux salariés attributaires d’actions gratuites de les revendre
    • la clarification des règles applicables au rachat d’actions destinées à être attribuées aux salariés ou à faire l’objet de stock-options
Sur d’autres points, les députés ont adopté une position de compromis :
  • ils ont accepté la démission d’office des mandataires sociaux placés en tutelle, mais pas en curatelle
  • ils ont limité aux assemblées générales ordinaires la suppression du droit d’opposition à la dématérialisation des assemblées générales des sociétés non cotées
  • ils n’ont accepté que partiellement la simplification du régime de rachat d’actions des sociétés non cotées
Enfin, sur quelques points, une divergence d’appréciation persistait entre les deux assemblées :
  • l’Assemblée nationale est ainsi revenue sur la suppression de la sanction de nullité impérative des décisions d’augmentation de capital dans le cas où une augmentation de capital réservée aux salariés n’a pas été soumise simultanément à l’assemblée générale
  • elle a également refusé la suppression de la sanction de suspension des droits de vote attachés aux actions émises en violation des règles applicables à l’augmentation de capital.
  • Sociétés par actions simplifiées (SAS) : L’Assemblée nationale a souscrit à la proposition de clarifier la faculté pour les petites SAS de désigner un commissaire aux comptes pour permettre la libération d’actions par compensation de créances.
  • Valeurs mobilières émises par les sociétés par actions
    • Les députés ont accepté le raccourcissement du délai de viduité pendant lequel un commissaire aux comptes qui a réalisé une mission au sein d’une société ne peut être désigné pour établir un rapport sur la création d’actions de préférence
    • Pour le reste, s’agissant du régime des actions de préférence, l’équilibre trouvé dans la loi PACTE a été préservé.
Dispositions communes aux diverses sociétés commerciales. – L’Assemblée nationale a adopté conformes ou moyennant des modifications rédactionnelles les dispositions visant à simplifier les modalités de mise à jour des clauses statutaires en cas d’augmentation du capital résultant du paiement de dividendes en actions, l’extension du régime simplifié de fusion à la fusion de sociétés sœurs et la clarification du régime simplifié d’apport partiel d’actif.
 
Dispositions relatives aux commissaires aux comptes – L’Assemblée nationale a ainsi adopté, sans modification, l’article 50 A de la proposition de loi qui vise à clarifier la liste des fonctions dirigeantes qui doivent être exercées par un commissaire aux comptes au sein des sociétés de commissariat aux comptes. Elle a inséré un nouvel article 54 bis, afin de préciser les conditions dans lesquelles une minorité d’associés d’une SARL ou d’une société en nom collectif (SNC) peut obtenir la nomination d’un commissaire aux comptes et d’étendre cette faculté aux autres sociétés commerciales.
 
Et l’Assemblée nationale a adopté la levée du secret professionnel des commissaires aux comptes à l’égard de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) et du juge de l’élection.
 
Dispositions diverses.– Enfin, l’Assemblée nationale a adopté conforme l’article 58 dont l'objectif est de sécuriser la possibilité de désigner un tiers subsidiaire dans les conventions renvoyant à un tiers, sous peine de nullité, la détermination du prix de vente.
 
Le point sur les articles qui restaient en discussion après le vote de mars 2019
Le rapport du sénateur André Reichardt relève que « les modifications apportées au texte par l’Assemblée nationale ont paru légères et bienvenues à la commission, malgré des désaccords persistants sur des mesures ponctuelles. Sans renoncer à poursuivre le travail de simplification de l’environnement juridique des sociétés françaises, la commission a considéré que la proposition de loi ainsi amendée constituait un compromis acceptable ». D'autant que la commission des lois a estimé nécessaire que les mesures comprises dans ce texte entrent en vigueur « sans plus tarder ».
 
Pour accélérer le calendrier, la proposition de loi telle que modifiée par l’Assemblée nationale a donc été adoptée sans modification.
 
En pratique, les articles suivants restaient à discuter :
  • Clarification des droits respectifs du nu-propriétaire et de l’usufruitier en cas de démembrement de parts sociales (C. civ., art. 1844)
  • Régime simplifié de fusion de sociétés civiles (C. civ., art. 1854-1, nouveau)
  • Ratification d’ordonnances
  • Correction d’une erreur matérielle (C. com., art. L. 225-52, L. 225-93 et L. 225-256)
  • Remplacement du gérant d’une société à responsabilité limitée placé en tutelle (C. com., art. L. 223-27)
  • Démission d’office des mandataires sociaux d’une société anonyme placés en tutelle (C. com., art. L. 225-19, L. 225-48, L. 225-54, L. 225-60 et L. 225-70)
  • Octroi de garanties par une société mère aux sociétés contrôlées (C. com., art. L. 225-35 et L. 225-68)
  • Procédure de consultation écrite des administrateurs ou des membres du conseil de surveillance (C. com., art. L. 225-37 et L. 225-82)
  • Voix exprimées et non exprimées à l’assemblée générale (C. com., art. L. 225-96, L. 225-98, L. 225-96 et L. 225-98)
  • Suppression du droit d’opposition à la dématérialisation des assemblées générales ordinaires dans les sociétés anonymes non cotées (C. com., art. L. 225-103-1)
  • Délégation de la réponse aux questions écrites d’actionnaires (C. com., art. L. 225-108)
  • Réduction des périodes d’interdiction d’attribution aux salariés d’options donnant droit à souscriptions d’actions (C. com., art. L. 225-177)
  • Assouplissement de l’interdiction faite aux salariés de sociétés cotées attributaires d’actions gratuites de les revendre au cours de certaines périodes (C. com., art. L. 225-197-1)
  • Clarification du régime de rachat d’actions en vue de les attribuer aux salariés ou de consentir des options d’achat (C. com., art. L. 225-208)
  • Assouplissement du régime du rachat d’actions par les sociétés non cotées (C. com., art. L. 225-209-2)
  • Suppression de l’obligation de désigner un commissaire aux apports en cas d’avantages particuliers ou d’apport en industrie (C. com., art. L. 227-1)
  • Faculté pour les petites sociétés par actions simplifiées de désigner un commissaire aux comptes pour permettre la libération d’actions par compensation de créances (C. com., art. L. 227-9-1)
  • Raccourcissement du délai pendant lequel un commissaire aux comptes ayant réalisé une mission au sein d’une société ne peut être désigné en tant que commissaire aux apports en cas de création d’actions de préférence (C. com., art. L. 228-15)
  • Régime simplifié d’apport partiel d’actif (C. com., art. L. 236-16 et L. 236-22)
  • Levée du secret professionnel des commissaires aux comptes à l’égard de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques et du juge de l’élection (C. com., art. L. 822-15)
  • Nomination d’un commissaire aux comptes à la demande d’une minorité d’associés (C. com., art. L. 221-9, L. 223-35, L. 225-218, L. 226-6 et L. 227-9-1).
 
Ces articles ont donc été adoptés par la commission des lois du Sénat, sans modifications. Prochaine étape, désormais, le vote en séance publique, prévu le 10 juillet 2019.
Source : Actualités du droit