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CET / TFPB : exonérations permanentes en faveur des entreprises situées dans une commune rurale isolée

Affaires - Fiscalité des entreprises
10/01/2020
Les collectivités territoriales peuvent, sur délibération, exonérer certains commerces de contribution économique territoriale et de taxe foncière sur les propriétés bâties lorsque ceux-ci sont situés dans des zones de revitalisation des commerces en milieu rural. 
Afin de soutenir l’activité et l’emploi sur des territoires spécifiques, dix dispositifs d’exonérations zonées ont été mis en place par le législateur (zones d’aide à finalité régionale (ZAFR) ; zones d’aide à l’investissement (ZAI) ; zones franches urbaines – territoires entrepreneurs (ZFU-TE) ; quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPPV) ; zones de restructuration de la défense (ZRD) ; zones de revitalisation rurale (ZRR) ; zones de développement prioritaire (ZDP) ; zones franches d’activité nouvelle génération (ZFANG) ; bassins d’emploi à redynamiser (BER) ; bassins urbains à dynamiser (BUD)).

Ces dispositifs consistent en des incitations fiscales temporaires en faveur des entreprises faisant le choix de s’installer et de se développer dans les territoires faisant face à des difficultés économiques et sociales. Les exonérations portent essentiellement sur la fiscalité applicable aux entreprises, à savoir l’impôt sur le revenu (IR) et l’impôt sur les sociétés (IS) au titre des bénéfices, la cotisation foncière sur les entreprises (CFE), la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), ainsi que la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB).

Parmi les dix dispositifs fiscaux d’exonérations zonées, seul celui des ZRR vise spécifiquement les territoires ruraux.
L’article 110 de la loi de finances pour 2020 crée tout d’abord un nouveau zonage pour soutenir les commerces, à savoir les zones de revitalisation des commerces en milieu rural (ZORCOMIR ; CGI, art. 1464 G, III nouveau).

Puis, il instaure la possibilité pour les collectivités territoriales et les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre d’exonérer certains commerces de CFE (CGI, art. 1464 G) et de la TFPB (CGI, art. 1382 I nouveau), lorsqu’ils sont situés dans ces nouvelles zones et sous réserve de respecter certaines conditions.

Critères de classement en ZORCOMIR
Pour bénéficier du classement en ZORCOMIR, les communes doivent satisfaire les conditions suivantes :
– leur population municipale doit être inférieure à 3 500 habitants ;
– la commune ne doit pas appartenir à une aire urbaine de plus de 10 000 emplois ;
– le nombre d’établissements qui exercent sur leur territoire une activité commerciale doit être inférieur ou égal à 10.
Les données utilisées pour le classement des communes en ZORCOMIR sont celles disponibles au 1er janvier de l’année de classement et établies par l’INSEE.

 
À noter : les données concernant le nombre de commerces sont fournies par l’administration fiscale. Ce classement sera établi au 1er janvier 2020 par arrêté conjoint des ministres chargés du budget et de l’aménagement du territoire.
 

Critères d’éligibilité
Pour bénéficier des exonérations d’impôts locaux dans les ZORCOMIR, qu’il s’agisse de l’exonération de CET ou de TFPB, l’établissement doit :
– exercer une activité commerciale ;
– employer moins de 11 salariés, la période à retenir pour apprécier cette condition étant l’avant-dernière année précédant celle de l’imposition ;
– avoir un chiffre d’affaires annuel hors taxes inférieur à 2 M€ au cours de la période de référence (éventuellement corrigé pour correspondre à une année pleine) ou présenter un total de bilan inférieur à 2 M€.

Il est précisé que le franchissement à la hausse du seuil d’effectif salarié est pris en compte, lorsque ce seuil a été atteint ou dépassé pendant 5 années civiles consécutives (CSS, art. L. 130-1).
 
Exonérations applicables
Les collectivités disposent d’une grande liberté dans l’adoption de ces exonérations. En effet, elles peuvent décider que l’exonération sera partielle ou totale, et instaurer cette exonération de façon autonome pour la CET et pour la TFPB.

Exonération de CET.– Les communes et leurs EPCI à fiscalité propre peuvent, sur délibération prise dans les conditions de droit commun – soit avant le 1er octobre pour être applicable l’année suivante –, exonérer partiellement ou totalement de CFE les établissements exerçant une activité commerciale dans une zone de revitalisation des commerces en milieu rural. Les délibérations produisent leurs effets tant qu’elles ne sont pas rapportées ou modifiées.

L’exonération cesse de s’appliquer à compter du 1er janvier de l’année suivant celle au cours de laquelle il n’est plus exercé d’activité commerciale au sein de l’établissement.

Pour bénéficier de l’exonération de CFE, l’entreprise doit adresser une demande au service des impôts dont relève chacun des établissements situés au sein de la zone de revitalisation l’année précédant celle de l’imposition au plus tard le deuxième jour ouvré suivant le 1er mai ou, en cas de création d’établissement ou de changement d’exploitant ou d’activité en cours d’année, au plus tard le 31 décembre de l’année du changement ou de la création (CGI, art. 1477). À défaut, l’exonération n’est pas accordée au titre de l’année concernée.

L’exonération de CFE emporte également une exonération de CVAE. Par extension, les organes délibérants des collectivités concernées peuvent décider d’exonérer également de CVAE les commerces exonérés de CFE pour la fraction de valeur ajoutée taxée à leur profit (CGI, art. 1586 nonies).
 
Exonération de TFPB.–  Les collectivités territoriales et les EPCI à fiscalité propre peuvent, sur délibération prise dans les conditions de droit commun – soit avant le 1er octobre pour être applicables l’année suivante –, décider d’exonérer partiellement ou totalement de TFPB les immeubles situés en zone de revitalisation des commerces en milieu rural. Les délibérations produisent leurs effets tant qu’elles ne sont pas rapportées ou modifiées.

L’exonération s’applique aux immeubles dans lesquels sont installées au 1er janvier les entreprises commerciales éligibles dans les conditions présentées préalablement (salariés, chiffre d’affaires).
L’exonération cesse de s’appliquer :
à compter du 1er janvier de la deuxième année qui suit la période de référence au cours de laquelle le redevable de la CFE afférente à l’établissement auquel est rattaché l’immeuble ne remplit plus les conditions prévues par le texte ;
– ou à compter du 1er janvier de l’année suivant celle au cours de laquelle les immeubles ne sont plus affectés à une activité commerciale.
 
Dans le cas où l’exonération s’applique à un immeuble ou à une fraction d’immeuble loué, le bailleur doit déduire le montant de l’avantage fiscal ainsi obtenu du montant des loyers payés par l’entreprise si ce montant de loyers n’intègre pas déjà une réduction correspondante.

Pour bénéficier de l'exonération de TFPB, le redevable doit déclarer au service des impôts du lieu de situation des biens, avant le 1er janvier de l’année au titre de laquelle l’exonération est applicable et suivant un modèle établi par l’administration, les éléments d’identification du ou des immeubles concernés. À défaut du dépôt de cette demande dans ce délai, l’exonération n’est pas accordée au titre de l’année concernée.
 
Plafonnement des exonérations
Pour assurer la conformité du dispositif au droit européen, le bénéfice de ces exonérations est subordonné au respect du règlement européen relatif aux aides de minimis (Règl. (UE) n° 1407/2013, 18 déc. 2013).
Celui-ci dispose que le montant total des aides de minimis octroyées par État membre à une entreprise unique ne peut excéder 200 000 € sur une période de trois exercices fiscaux.
 
Articulation avec les autres dispositifs d’exonérations
Les exonérations applicables dans les ZORCOMIR sont exclusives de celles prévues dans les dispositifs zonés suivants :
– zones d’aide à finalité régionale (ZAFR) et zones d’aide à l’investissement des PME (CGI, art. 1465 et 1465 B) ;
– quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPPV ; CGI, art. 1466 A et 1383 C ter) ;
– zones de restructuration de la défense (ZRD ; CGI, art. 1466 A et 1383 I) ;
– zones de revitalisation rurale (ZRR ; CGI, art. 1465 A) ;
– zones de développement prioritaire (ZDP ; CGI, art. 1463 B et 1383 J) ;
– zones franches d’activité nouvelle génération (ZFANG ; CGI, art. 1466 F et 1388 quinquies) ;
– bassins d’emploi à redynamiser (BER ; CGI, art. 1466 A et 1383 H) ;
– bassins urbains à dynamiser (BUD ; CGI, art. 1463 A et 1383 F) ;
– zones franches urbaines (ZFU-TE ; CGI, art. 1466 A) ; – entreprises nouvelles (CGI, art. 1464 B et 1383 A).
 
Elles sont également exclusives des exonérations applicables à certaines entreprises (sociétés coopératives agricoles [CGI, art. 1464 E] ; entreprises de spectacles vivants [CGI, art. 1464 A] ; librairies et disquaires indépendants [CGI, art. 1464 I, 1464 I bis et 1464 M]) ; jeunes entreprises innovantes (JEI ; CGI, art. 1466 D et 1383 D).

Si l’établissement ou l’immeuble est éligible à la fois à l’un de ces régimes et à celui des ZORCOMIR, et qu’il souhaite bénéficier de ce dernier, l’entreprise doit exercer une option en ce sens. Cette dernière est irrévocable et emporte renonciation définitive aux autres régimes.

À défaut d’option, le redevable continue de bénéficier de l’application du régime dont il bénéficiait avant l’institution de l’exonération propre aux ZORCOMIR. Ce droit d’option n’est pas dédié aux ZORCOMIR et s’applique symétriquement aux autres dispositifs d’exonérations zonées. Le bénéfice des exonérations est maintenu pendant l’année en cours en cas de fusion d’EPCI ou de création d’une commune nouvelle (CGI, art. 1639 A ter et 1640).
 

Entrée en vigueur
Le nouveau régime des ZORCOMIR s’applique uniquement aux impositions établies au titre des années 2020 à 2023.
Afin de leur laisser le temps de prendre les délibérations visant à instaurer les exonérations de TFPB et de CFE, les collectivités territoriales et les EPCI à fiscalité propre pourront, par dérogation et pour 2020, délibérer jusqu’au 21 janvier 2020.
Par dérogation également, pour bénéficier des exonérations en 2020, les déclarations pourront être adressées au service des impôts jusqu'au 29 février 2020.
 
COMMENTAIRE
Cette mesure instaure un nouveau zonage (le ZORCOMIR) ciblé uniquement sur les petites activités commerciales (entreprises de moins de 11 salariés et de moins de 2 M€ de chiffre d’affaires) et les territoires ruraux les plus fragiles (petites communes n’appartenant pas à une aire urbaine de plus de 10 000 emplois et comptant moins de 10 commerces).
Selon les rapports parlementaires, le dispositif devrait s’appliquer à 21 512 communes. Ce zonage devrait concerner 44 % de communes de plus que le zonage ZRR, une fois sorties les communes bénéficiant du maintien provisoire jusqu’au 31 décembre 2020 (comme le prévoit l’article 127 de la loi de finances pour 2020).

Ce nouveau dispositif offre ainsi la possibilité à certaines communes de voter des exonérations permanentes de CFE et TFPB qui permettront non seulement d’aider les commerçants qui voudraient lancer ou reprendre une activité dans une commune rurale, mais aussi de préserver les commerces existants qui souffrent d’une grande vulnérabilité économique.
Le commerce joue un rôle fondamental dans l’aménagement, le développement et l’attractivité des territoires ruraux par l’animation qu’il suscite et par les services qu’il rend à la population.

Toutefois, on peut s’interroger sur la cohérence des mesures : cet article (tout comme l’article 111 de la loi de finances pour 2020 ; voir ci-dessous) crée un zonage ad hoc pour soutenir les commerces et ce, alors même que le gouvernement s’est parallèlement engagé dans une démarche de rationalisation des dispositifs de zonage existants d’ici à la fin de l’année 2020.

Gageons que les travaux de réflexion visant à redéfinir une nouvelle géographie prioritaire de la ruralité puissent aboutir à une articulation cohérente des dispositifs entre eux et à l’élaboration d’une réelle politique d’aménagement des territoires les plus fragiles.

À noter enfin que la création de ce dispositif intervient alors que le Fonds d’intervention pour la sauvegarde de l’artisanat et du commerce (FISAC) a été placé en « gestion extinctive » depuis le début de l’année 2019.
Cet organisme avait vocation à soutenir directement les services de proximité menacés ou fragilisés par la désertification de certains espaces ruraux, la dévitalisation des centres-villes et la fragilisation des quartiers prioritaires de la politique de la ville.
Source : Actualités du droit