Retour aux articles

Opérations intracommunautaires : transposition des mesures « quick fixes »

Affaires - Fiscalité des entreprises
10/01/2020
La loi de finances pour 2020 transpose les mesures transitoires en matière de TVA appelées « quick fixes », visant notamment à faciliter certaines transactions intracommunautaires de biens (stock sous contrat de dépôt, ventes en chaîne). 
La directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 a prévu le remplacement du régime transitoire de TVA actuellement en vigueur par un régime définitif – prévu pour 2022 –, reposant sur le principe de taxation dans l’État membre de destination.
Toutefois, face à l’ampleur de la tâche, des mesures spécifiques et transitoires ont fait l’objet d’une directive 2018/1910/UE du 4 décembre 2018.

L’article 34 de la loi de finances pour 2020 transpose en droit interne ce paquet de mesures dénommées « quick fixes » (solutions rapides) visant à renforcer les conditions d’exonération de TVA des livraisons intracommunautaires, à simplifier le régime des stocks sous contrat de dépôt et à harmoniser le régime des ventes en chaîne.
 
Exonération des livraisons intracommunautaires : deux nouvelles conditions de fond
Actuellement, les livraisons intracommunautaires bénéficient d’une exonération de TVA si elles remplissent les quatre conditions suivantes (CGI, art. 262 ter) :
– la livraison est effectuée à titre onéreux ;
 – le vendeur est un assujetti agissant en tant que tel ; – le bien est expédié ou transporté hors d’un État membre par le vendeur, par l’acquéreur ou pour leur compte, à destination d’un autre État membre ;
– l’acquéreur est un assujetti ou une personne morale non assujettie qui ne bénéfice pas du régime dérogatoire à la taxation des acquisitions intracommunautaires (PBRB).

Pour bénéficier de cette exonération, deux nouvelles conditions de fond doivent être satisfaites :
– le destinataire doit être identifié aux fins de la TVA dans un autre État membre que celui de départ de l’expédition ou du transport et avoir communiqué au fournisseur son numéro d’identification à la TVA ;
– le fournisseur doit déposer l’état récapitulatif, soit la déclaration d’échange de biens – DEB (CGI, art. 289 B) comportant les mentions obligatoires, à moins qu’il ne puisse dûment justifier son manquement à l’administration. Le non-respect de ces conditions fait courir le risque d’une remise en cause de l’exonération. Outre la taxation à la TVA de la livraison, les droits peuvent être assortis d’intérêts de retard ainsi que, le cas échéant, d’une pénalité de 40 % pour manquement délibéré.


Simplification des règles relatives aux ventes en chaîne
Les opérations en chaîne concernent des livraisons successives de biens qui font l’objet d’un transport intracommunautaire unique.

Afin notamment de renforcer la sécurité juridique des opérateurs, est établie une règle commune selon laquelle, lorsque certaines conditions sont remplies, le transport des biens est imputé à une seule livraison dans la chaîne d’opérations (CGI, art. 262 ter, I-1° bis nouveau).

Ainsi, en cas de livraisons successives de biens expédiés ou transportés sur le territoire d’un autre État membre de l’UE directement du premier vendeur au dernier acquéreur dans la chaîne, la livraison exonérée est réputée être celle effectuée à l’opérateur intermédiaire.

Par dérogation, la livraison intracommunautaire est réputée être celle effectuée par l’opérateur intermédiaire lorsqu’il a communiqué à son fournisseur son numéro d’identification à la TVA, attestant qu’il est bien immatriculé dans l’État membre de départ.

Pour l’application de ces dispositions, un opérateur intermédiaire est défini comme un assujetti dans la chaîne, autre que le premier vendeur, qui expédie ou transporte les biens, soit lui-même, soit par l’intermédiaire d’un tiers agissant pour son compte.


Modification du régime TVA des stocks sous contrat de dépôt
Afin de simplifier les échanges intracommunautaires entre entreprises, est créé un régime simplifié de TVA applicable aux stocks sous contrat de dépôt.

Ce nouveau régime prévoit que l’opération par laquelle un assujetti transfère des biens dans un autre État membre sans transfert de propriété en vue de leur stockage et de leur livraison ultérieure au client ne soit pas assimilée à une livraison intracommunautaire (CGI, art. 256, III bis nouveau).

Parallèlement, la livraison au client des biens stockés dans le cadre de ce nouveau régime est considérée comme une acquisition intracommunautaire (CGI, art. 256 bis, I-1°-b nouveau).

Ce régime cesse de s’appliquer si les biens stockés sous contrat de dépôt n’ont pas été livrés au client dans un délai de 12 mois suivant leur arrivée dans l’État de destination.  
 
REMARQUE
À l’échelle de l’Union, il s’agit d’une mesure de simplification pour les fournisseurs européens dans la mesure où ceux-ci ne seront plus tenus de s’immatriculer à la TVA dans l’État membre d’arrivée.


Pour bénéficier de ce régime de stock sous contrat de dépôt, les quatre conditions suivantes doivent être remplies :
– les biens doivent être expédiés ou transportés par le fournisseur à destination d’un autre État membre afin d’y être livrés ultérieurement au client ;
– le fournisseur ne doit pas être établi ni disposer d’un établissement stable dans l’État membre d’arrivée ;
– le client doit avoir communiqué au fournisseur son identité et son numéro d’identification à la TVA au moment du départ de l’expédition ou du transport ;
– le fournisseur doit s’être acquitté de ses obligations déclaratives. Les obligations déclaratives spécifiques à ce nouveau régime concernent également le client. Elles permettent d’assurer la traçabilité des transferts de biens effectués dans le cadre de ce nouveau régime de stock sous contrat de dépôt :
– les fournisseurs effectuant une livraison de biens dans le cadre de ce nouveau régime ont l’obligation de souscrire la DEB (CGI, art. 289 B modifié).
 
Précision : cela ne constitue pas une obligation nouvelle pour les fournisseurs français effectuant des ventes en consignations et transferts de stocks. Ces derniers se borneront simplement à déposer ces opérations avec le nouveau code régime qui leur sera associé (et non plus le code 21 afférent aux livraisons intracommunautaires) ;

– les fournisseurs comme les clients ont en outre l’obligation de tenir un registre dédié (CGI, art. 286 quater modifié), faisant figurer tous les biens transférés ou acquis dans le cadre de ce nouveau régime.
 
Précision : cela constituerait en revanche une obligation déclarative nouvelle pour les opérateurs français.

En cas de renvoi des biens au fournisseur dans un délai de 12 mois, aucune livraison n’est réputée avoir lieu pourvu que cet envoi soit inscrit par ce dernier dans le registre dédié aux opérations effectuées dans le cadre de ce nouveau régime.
En cas de remplacement du client par un autre dans un délai de 12 mois, aucune nouvelle livraison intracommunautaire n’est réputée avoir lieu dès lors que les conditions pour entrer dans le dispositif restent réunies et que le fournisseur a inscrit ce remplacement dans ce même registre.

Enfin, le régime de stock sous contrat de dépôt cesse de s’appliquer dès lors que, dans le délai de 12 mois :
– l’une des quatre conditions susmentionnées cesse d’être remplie ou bien un remplacement du client par un autre est intervenu sans que ce remplacement n’ait été inscrit dans le registre ;
– les biens sont livrés à une autre personne que le client sans inscription de ce remplacement dans le même registre ;
– les biens sont expédiés vers un autre pays ;
– les biens sont détruits, perdus ou volés.  


Entrée en vigueur
Ces mesures s’appliquent aux livraisons de biens meubles corporels pour lesquelles le fait générateur de la TVA intervient à compter du 1er janvier 2020.  

 
COMMENTAIRE
Les nouvelles règles applicables en matière de livraisons successives de biens qui font l’objet d’un transport intracommunautaire unique permettent d’harmoniser l’application des conditions d’exonération, qui pouvaient auparavant donner lieu à des applications divergentes entre États membres.

Par ailleurs, le régime simplifié des stocks en dépôt nouvellement créé permet de faire directement constater l’acquisition intracommunautaire par l’acquéreur final, et aboutit à une nette simplification de ce type d’échanges.
Ces mesures doivent toutefois être appréhendées dans le cadre plus large de la réforme en cours du système de TVA européen, devant jeter les bases d’un futur système définitif fondé sur le principe de destination.
Source : Actualités du droit