Retour aux articles

AG, conseils d’administration et de surveillance face au Covid-19 : des aménagements prévus

Affaires - Sociétés et groupements
26/03/2020
Assemblées générales, conseils d’administration et de surveillance doivent continuer à se tenir malgré la crise sanitaire que nous traversons. Adaptation des règles de convocation, visioconférence, dérogations aux règles de participation, etc. Focus sur une ordonnance qui, publiée au Journal officiel du 26 mars 2020, aménage les règles de réunion et de délibération des assemblées et organes dirigeants des sociétés et autres entités dépourvues de personnalité morale.
Un pan entier de la loi urgence, publiée au Journal officiel du 24 mars, est consacré aux mesures d’urgence économique et d’adaptation à la lutte contre l’épidémie de Covid-19 ( L. n° 2020-290, 23 mars 2020, JO 24 mars, art. 2  ; v.  La loi Urgence pour faire face au Covid-19 est votée !, Actualités du droit, 23 mars 2020).

L’article 11 de cette loi, qui contient bon nombre de dispositions marquées du sceau de l’urgence, autorise notamment le gouvernement à prendre par ordonnance « toute mesure relevant du domaine de la loi simplifiant et adaptant les conditions dans lesquelles les assemblées et les organes dirigeants collégiaux des personnes morales de droit privé et autres entités se réunissent et délibèrent ainsi que les règles relatives aux assemblées générales, afin de faire face aux conséquences de la propagation du covid-19 et des mesures prises pour limiter cette propagation ». 
 
C’est désormais chose faite, avec une ordonnance dont l’objectif est clair : « satisfaire l'objectif de continuité et de sécurité juridique du fonctionnement des groupements de droit privé dans leur diversité et leur variété » (Ord. n° 2020-321, 25 mars 2020, rapport au président, 26 mars 2020).
 
Un large spectre
Sont en effet concernées toutes les personnes morales (sociétés commerciales, sociétés civiles, etc.) et entités dépourvues de personnalité morale de droit privé (Ord. n° 2020-321, 25 mars 2020, art.1). 
 
Comme a pris soin de le préciser le rapport au président : « au-delà de leur diversité et de leur variété, les différents organes de ces différents groupements sont confrontés aux mêmes difficultés dans le contexte actuel, à savoir la difficulté - si ce n'est l'impossibilité - de se réunir en raison des mesures prises pour lutter contre la propagation du Covid-19 » (Ord. n° 2020-321, 25 mars 2020, rapport au président, 26 mars 2020).
 
Convocation aux assemblées par voie postale dans les sociétés cotées
En vertu de l’article 2, il est prévu qu’en cas de convocation d’une assemblée d’actionnaires par voie postale, aucune nullité ne frappera celle-ci du seul fait  « qu’une convocation n’a pas pu être réalisée par voie postale en raison de circonstances extérieures à la société » (Ord. n° 2020-321, 25 mars 2020, art. 2). 
 
Communication électronique facilitée pour les assemblées
Comme le précise le rapport au président : « L'article 3 étend et facilite l'exercice dématérialisé du droit de communication dont les membres des assemblées jouissent préalablement aux réunions de ces dernières ». Cette communication a lieu sous réserve que le membre indique dans sa demande l'adresse électronique à laquelle elle peut être faite  (Ord. n° 2020-321, 25 mars 2020, art. 3). 
  
Tenue exceptionnelle d’assemblées sans leurs membres
Du fait de la crise sanitaire actuelle, les déplacements sont fortement limités. Et se pose ainsi la question suivante : comment concilier la prise en compte de cette situation bien particulière et la nécessité pour les assemblées de se prononcer sur des questions essentielles ?
 
L’article 4 de l’ordonnance prévoit ainsi que « Lorsqu'une assemblée est convoquée en un lieu affecté à la date de la convocation ou à celle de la réunion par une mesure administrative limitant ou interdisant les rassemblements collectifs pour des motifs sanitaires, l'organe compétent pour la convoquer ou le représentant légal agissant sur délégation de cet organe peut décider qu'elle se tient sans que les membres et les autres personnes ayant le droit d'y assister ne soient présents physiquement ou par conférence téléphonique ou audiovisuelle » (Ord. n° 2020-321, 25 mars 2020, art.4). 
 
Une disposition exceptionnelle qui doit permettre aux sociétés de faire face à une situation qui l’est tout autant.
 
Comme le souligne le rapport au président, cette mesure « emporte dérogation exceptionnelle et temporaire au droit des membres des assemblées d'assister aux séances ainsi qu'aux autres droits dont l'exercice suppose d'assister à la séance » (Ord. n° 2020-321, 25 mars 2020, rapport au président, 26 mars 2020).
 
Visant à faciliter la participation des membres des assemblées qui se tiendront à huis clos, l’article 5 vient quant à lui assouplir le recours à la visioconférence et aux moyens de télécommunication et ce, « soit, pour les groupements pour lesquels ce mode de participation alternatif n'est pas déjà prévu par la loi, en l'autorisant exceptionnellement, soit, pour les groupements pour lesquels ce mode de participation alternatif est déjà prévu par la loi sous réserve de certaines conditions, en neutralisant exceptionnellement ces conditions (en particulier la condition tenant à l'existence d'une clause à cet effet dans les statuts ou le contrat d'émission) et toute autre clause contraire des statuts ou du contrat d'émission, sous réserve, dans chaque cas, que les moyens de visioconférence ou de télécommunication respectent les caractéristiques fixées par la loi et les règlements pour garantir l'intégrité et la qualité des débats » précise le rapport au président (Ord. n° 2020-321, 25 mars 2020, rapport au président, 26 mars 2020).
 
C’est à l’organe compétent qui convoque l’assemblée ou, le cas échéant, à son délégataire qu’incombe la décision de recourir à la visio-conférence ou aux moyens de communication.
 
Leur mise en œuvre doit permettre la transmission de la voix des participants et satisfaire « à des caractéristiques techniques permettant la retransmission continue et simultanée des délibérations » (Ord. n° 2020-321, 25 mars 2020, art. 5). 
 
Décision des assemblées : recours à la consultation écrite facilité
Un autre assouplissement est apporté, cette fois-ci par l’article 6. Il concerne le recours à la consultation écrite des assemblées pour lesquelles ce mode de participation alternatif est déjà prévu par la loi : « Lorsque la loi prévoit que les décisions des assemblées peuvent être prises par voie de consultation écrite de leurs membres, l'organe mentionné à l'article 4 ou son délégataire peut décider de recourir à cette faculté sans qu'une clause des statuts ou du contrat d'émission ne soit nécessaire à cet effet ni ne puisse s'y opposer » (Ord. n° 2020-321, 25 mars 2020, art. 6). 
 
Convocation des assemblées : formalités aménagées
L’article 7 prévoit qu’en cas d’application des dispositions des articles 4, 5 et 6, et lorsque « tout ou partie des formalités de convocation de l'assemblée ont été accomplies préalablement à la date de cette décision, les membres de l'assemblée en sont informés par tous moyens permettant d'assurer leur information effective trois jours ouvrés au moins avant la date de l'assemblée, sans préjudice des formalités qui restent à accomplir à la date de cette décision » (Ord. n° 2020-321, 25 mars 2020, art. 7). 
 
Dans un tel cas de figure :
  • la modification du lieu de l'assemblée ou des modes de participation ne donne pas lieu au renouvellement des formalités de convocation ;
  • et elle ne constitue pas une irrégularité de convocation.
 
Le rapport au président indique que « cela concerne en particulier les groupements qui auront commencé à procéder à ces formalités avant la date d'entrée en vigueur de l'ordonnance en vue d'une assemblée appelée à se tenir après cette date » (Ord. n° 2020-321, 25 mars 2020, rapport au président, 26 mars 2020).
 
Concernant les sociétés cotées, l’information des actionnaires s’effectue dès que possible au moyen d’un communiqué dont la société assure la diffusion effective et intégrale.
 
Organes collégiaux d’administration, de surveillance et de direction : faciliter l’utilisation de la visioconférence et le recours aux moyens de télécommunication
En vertu de l’article 8, le recours aux moyens de visioconférence et de télécommunication est étendu aux organes collégiaux d’administration, de surveillance ou de direction, que celui-ci soit déjà prévu par la loi ou les dispositions règlementaires ou non. 

Et, précision importante : cette règle s’applique « sans qu’une clause des statuts ou du règlement intérieur soit nécessaire à cet effet ni ne puisse s'y opposer » (Ord. n° 2020-321, 25 mars 2020, art. 8). 
 
Ces dispositifs doivent permettre l’identification des membres concernés et garantir leur participation effective. C’est pourquoi, le texte précise que les moyens utilisés doivent transmettre la voix des participants et satisfaire à des « caractéristiques techniques permettant la retransmission continue et simultanée des délibérations ».
 
Décisions des organes collégiaux d’administration de surveillance et de direction : recours facilité à la consultation écrite
L’article 9 prévoit que les décisions des organes collégiaux d’administration, de surveillance ou de direction peuvent être prises par voie de consultation écrite de leurs membres, dans des conditions assurant la collégialité de la délibération. Ceci, sans qu’une clause des statuts ou du règlement intérieur ne soit nécessaire à cet effet ni ne puisse s'y opposer (Ord. n° 2020-321, 25 mars 2020, art. 9). 
 
Des dispositions entrées en vigueur rétroactivement, le 12 mars 2020…
Les mesures prévues par cette ordonnance sont applicables depuis le 12 mars 2020 et ce, jusqu’au 31 juillet prochain. Toutefois, comme le prévoit l’article 11, ce délai pourrait être prorogé « jusqu'à une date fixée par décret et au plus tard le 30 novembre 2020 » (Ord. n° 2020-321, 25 mars 2020, art. 11). 
 
À noter que les îles Wallis et Futuna se verront également appliquer cette ordonnance (Ord. n° 2020-321, 25 mars 2020, art. 12). 
 
La prochaine étape est fixée par l’article 10 de l’ordonnance : « Un décret précise, en tant que de besoin, les conditions d'application de la présente ordonnance » (Ord. n° 2020-321, 25 mars 2020, art. 10). 
 
Source : Actualités du droit