Retour aux articles

La semaine du droit bancaire

Affaires - Banque et finance
15/06/2020
Présentation des dispositifs des derniers arrêts publiés au Bulletin civil de la Cour de cassation, en droit bancaire.
Avis – TEG – erreur – application dans le temps
« Le 27 janvier 2020, le tribunal judiciaire de Rennes a formulé une demande d’avis reçue le 10 février 2020, dans une instance concernant la société Banque populaire grand Ouest, M. et Mme X....
 
Sur les questions n° 1 et n° 2 relatives à l’application dans le temps de l’ordonnance n° 2019-740 du 17 juillet 2019
Il résulte de l’ordonnance du 17 juillet 2019, qui généralise la sanction jusqu’alors applicable en cas d’irrégularité affectant la mention du taux effectif global dans une offre de crédit immobilier, qu’en cas de défaut de mention ou de mention erronée du taux effectif global dans un écrit constatant un contrat de prêt, le prêteur n’encourt pas l’annulation de la stipulation de l’intérêt conventionnel mais peut être déchu de son droit aux intérêts dans la proportion fixée par le juge, au regard notamment du préjudice subi par l’emprunteur. Dès lors que cette ordonnance ne comprend pas de disposition dérogeant à l’article 2 du Code civil, selon lequel la loi ne dispose que pour l’avenir et n’a point d’effet rétroactif, qu’elle n’obéit pas à des considérations d’ordre public impérieuses et qu’elle sanctionne un vice affectant le contrat au jour de sa conclusion, elle ne s’applique pas immédiatement aux contrats en cours, qui demeurent régis par la loi en vigueur au jour de leur conclusion.
Il doit donc être répondu négativement à la première question, ce qui rend sans objet la deuxième.
Cependant, même lorsque l’ordonnance du 17 juillet 2019 n’est pas applicable, l’omission du taux effectif global dans l’écrit constatant un contrat de prêt, comme l’erreur affectant la mention de ce taux dans un tel écrit, justifient que le prêteur puisse être déchu de son droit aux intérêts dans la proportion fixée par le juge, au regard notamment de la gravité de la faute du prêteur et du préjudice subi par l’emprunteur (1re Civ., 10 juin 2020, pourvoi n° 18-24.287, publié). Sur les questions n° 3 à n° 6 relatives au champ d’application matériel de l’ordonnance du 17 juillet 2019 5. L’ordonnance du 17 juillet 2019 étant inapplicable aux contrats de crédits litigieux, conclus avant son entrée en vigueur, les questions n° 3 à n° 6, qui concernent le champ d’application matériel de cette ordonnance, ne commandent pas l’issue du litige.
 
Sur la question n° 7 relative à la sanction encourue en cas de mention, dans l’offre de crédit immobilier, d’un taux conventionnel calculé sur la base d’une année autre que l’année civile
La question n’est pas nouvelle et ne présente plus de difficulté sérieuse, dès lors qu’il a été jugé que la mention, dans l’offre de prêt immobilier, d’un taux conventionnel calculé sur la base d’une année autre que l’année civile, est sanctionnée exclusivement par la déchéance du droit aux intérêts dans les termes de l’article L. 312-33 du Code de la
consommation, dans sa rédaction applicable en la cause, lorsque l’inexactitude du taux entraîne, au regard du taux stipulé, un écart supérieur à une décimale (1re Civ., 11 mars 2020, pourvoi n° 19-10.875, publié).
 
Sur la question n° 8 relative au taux concerné par l’erreur supérieure à la décimale résultant du calcul des intérêts conventionnels sur la base d’une année autre que l’année civile
La question ne présente pas de difficulté sérieuse, dès lors que la décimale est nécessairement celle prévue à l’article R. 313-1 du Code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, seul ce texte prévoyant une telle marge d’erreur. Il s’ensuit que le taux concerné par l’erreur supérieure à la décimale est le taux effectif global.
 
Sur la question n° 9 relative à la sanction applicable en cas d’erreur affectant le taux conventionnel ou le taux effectif global mentionnés dans l’avenant au contrat de crédit immobilier
L’omission du taux effectif global dans l’écrit constatant un contrat de prêt comme l’erreur affectant la mention de ce taux dans un tel écrit justifient que le prêteur puisse être déchu de son droit aux intérêts dans la proportion fixée par le juge, même lorsque le contrat a été conclu avant l’entrée en vigueur de l’ordonnance du 17 juillet 2019 (1re Civ., 10 juin 2020, pourvoi n° 18-24.287, publié).
La même sanction s’impose en cas d’erreur affectant le calcul du taux conventionnel mentionné dans l’avenant au contrat de crédit immobilier, afin de permettre la prise en considération de la gravité du manquement commis par le prêteur et du préjudice subi par l’emprunteur.
Il s’ensuit qu’en cas d’erreur affectant le calcul du taux effectif global ou du taux conventionnel mentionnés dans l’avenant au contrat de crédit immobilier, le prêteur peut être déchu de son droit aux intérêts dans la proportion fixée par la juge.
 
Sur la question n° 10 relative à la mention du taux de période et de la durée de la période dans l’avenant au contrat de crédit immobilier
La question n’est pas nouvelle et ne présente plus de difficulté sérieuse, dès lors qu’il a été jugé qu’en cas de renégociation d’un prêt immobilier, les modifications du contrat initial sont apportées sous la seule forme d’un avenant comprenant diverses informations sans que soit exigée la communication du taux et de la durée de la période (1re Civ., 5 février 2020, pourvoi n° 18-26.769, publié).
 
EN CONSÉQUENCE, la Cour :
Est d’avis que les dispositions de l’ordonnance n° 2019-740 du 17 juillet 2019 sont inapplicables aux contrats de crédit conclus avant son entrée en vigueur ;
Est d’avis qu’en cas d’erreur affectant le calcul du taux effectif global ou du taux conventionnel mentionnés dans l’avenant au contrat de crédit immobilier, le prêteur peut être déchu de son droit aux intérêts dans la proportion fixée par la juge ».
Cass. avis, 10 juin 2020, n° 15004, P+B+R+I *
 
 
TEG – erreur – application rétroactive
« Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 11 octobre 2018), suivant acte authentique du 17 octobre 2008, la caisse régionale de Crédit agricole mutuel du Languedoc (la banque) a consenti un prêt immobilier à M. et Mme X... (les emprunteurs). Après avoir prononcé la déchéance du terme du prêt et délivré un commandement de payer aux fins de saisie-vente, resté sans effet, la banque a assigné devant le juge de l'exécution les emprunteurs, qui ont sollicité l'annulation de la stipulation conventionnelle d'intérêts et la substitution de l'intérêt au taux légal.
 
Selon l'article L. 313-2, alinéa 1, du Code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, le taux effectif global (TEG) doit être mentionné dans tout écrit constatant un contrat de prêt.

En l'absence de sanction prévue par la loi, exception faite de l'offre de prêt immobilier et du crédit à la consommation, il est jugé qu'en application des articles 1907 du Code civil et L. 313-2, alinéa 1, précité, l'inexactitude de la mention du TEG dans l'écrit constatant tout contrat de prêt, comme l'omission de la mention de ce taux, qui privent l'emprunteur d'une information sur son coût, emportent l'annulation de la clause stipulant l'intérêt conventionnel et la substitution à celui-ci de l'intérêt légal (1re Civ., 24 juin 1981, pourvoi n° 80-12.903, Bull. 1981, I, n° 234 ; 1re Civ., 15 octobre 2014, pourvoi n° 13-16.555, Bull. 2014, I, n° 165).

Pour les contrats souscrits postérieurement à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2019-740 du 17 juillet 2019, en cas de défaut de mention ou de mention erronée du taux effectif global dans un écrit constatant un contrat de prêt, le prêteur n'encourt pas l'annulation de la stipulation de l'intérêt conventionnel, mais peut être déchu de son droit aux intérêts dans la proportion fixée par le juge, au regard notamment du préjudice subi par l'emprunteur.

Dans ces conditions, pour permettre au juge de prendre en considération, dans les contrats souscrits antérieurement à l'entrée en vigueur de l'ordonnance précitée, la gravité du manquement commis par le prêteur et le préjudice subi par l'emprunteur, il apparaît justifié d'uniformiser le régime des sanctions et de juger qu'en cas d'omission du taux effectif global dans l'écrit constatant un contrat de prêt, comme en cas d'erreur affectant la mention de ce taux dans un tel écrit, le prêteur peut être déchu de son droit aux intérêts dans la proportion fixée par le juge.

En premier lieu, après avoir relevé, par motifs propres et adoptés, que le TEG était erroné, faute d'inclusion du taux de cotisation mensuelle d'assurance réellement prélevé, et fait ressortir que l'erreur commise était supérieure à la décimale prescrite par l'article R. 313-1 du Code de la consommation, la cour d'appel a retenu, à bon droit, que la sanction de l'erreur affectant le TEG était la déchéance du droit aux intérêts de la banque dans la proportion fixée par le juge.

En second lieu, c'est par une appréciation souveraine que les juges du fond ont évalué le préjudice des emprunteurs et déterminé la proportion dans laquelle la déchéance du droit de la banque aux intérêts devait être fixée 
».
Cass. 1re civ., 10 juin 2020, n° 18-24.287, P+B+R+I *
 
 
TEG – caractère erroné – déchéance du droit aux intérêts du prêteur
« Selon l’arrêt attaqué (Bourges, 21 février 2019), M. et Mme X... (les emprunteurs) ont, le 14 juillet 2010, accepté une offre de prêt immobilier émise par la société HSBC France (la banque).
Invoquant le caractère erroné du taux effectif global (TEG) mentionné dans l’offre acceptée, les emprunteurs ont assigné la banque en annulation de la stipulation d’intérêts, substitution de l’intérêt légal et remboursement des intérêts indus.
Il résulte des articles L. 312-8 et L. 312-33 du Code de la consommation, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, que l’inexactitude du TEG mentionné dans une offre de prêt acceptée est sanctionnée par la déchéance, totale ou partielle, du droit du prêteur aux intérêts, dans la proportion fixée par le juge.
Après avoir relevé que les erreurs invoquées susceptibles d’affecter le TEG figuraient dans l’offre de prêt immobilier acceptée le 14 juillet 2010, la cour d’appel en a déduit, à bon droit, que la seule sanction encourue était la déchéance totale ou partielle du droit aux intérêts du prêteur et que les demandes des emprunteurs en annulation de la stipulation d’intérêts, substitution de l’intérêt au taux légal et remboursement des intérêts indus devaient être rejetées ».
Cass. 1re civ., 12 juin 2020, n° 19-16.401, P+B +I *
 

TEG – caractère erroné – déchéance du droit aux intérêts du prêteur
« Selon l’arrêt attaqué (Paris, 26 octobre 2018), suivant offre acceptée le 6 janvier 2010, la société Banque postale (la banque) a consenti à M. et Mme X... (les emprunteurs) quatre prêts immobiliers.
Invoquant le caractère erroné des taux effectifs globaux mentionnés dans l’offre acceptée, les emprunteurs ont assigné la banque en annulation de la stipulation d’intérêts, substitution de l’intérêt au taux légal et remboursement des intérêts indus.
 
 Il résulte des articles L. 312-8 et L. 312-33 du Code de la consommation, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, que l’inexactitude du taux effectif global mentionné dans une offre de prêt acceptée est sanctionnée par la déchéance, totale ou partielle, du droit du prêteur aux intérêts, dans la proportion fixée par le juge.
Après avoir relevé que les erreurs invoquées susceptibles d’affecter les taux effectifs globaux figuraient dans l’offre de prêt immobilier acceptée le 6 janvier 2010, la cour d’appel en a déduit, à bon droit, que la seule sanction encourue était la déchéance totale ou partielle du droit aux intérêts du prêteur et que les demandes des emprunteurs en annulation de la stipulation d’intérêts, substitution de l’intérêt au taux légal et remboursement des intérêts indus devaient être rejetées ».
Cass. 1re civ., 12 juin 2020, n° 19-12.984, P+B +I *
 
 
*Le lien vers la référence documentaire sera actif à partir du 15 juillet 2020.
 
 
Source : Actualités du droit